Petit conte

Le vieil homme était affalé sur son grand fauteuil, somnolant à peine… les babillages de sa petite fille Sophie l’amusaient… En fait, les yeux mi-clos, il se régalait des discours enfantins de sa progéniture… C’est qu’elle a de l’imagination cette petite ! Quelques gros flocons venaient caresser la vitre du salon… rares flocons neigeux, rare froidure… il n’y a plus de saison… mais que de souvenirs de ces hivers passés…

Une petite main toute douce lui tapote le visage… La petite Sophie a faim et après le goûter, elle veut une histoire, son histoire d’après le goûter… Une histoire du temps où pépé était jeune… quand il avait son âge à elle… « Il était une fois une forêt… une forêt vivante grouillante de vie, d’odeurs… de bruits… une belle forêt… »

Bien sûr, la gamine n’a jamais vu de forêt, de forêt en vrai… que dans les livres de pépé, pleins d’images d’arbres, d’oiseaux, d’animaux, de lacs et de rivières… La petite les appelle ses livres de contes de fées ! Un jour quand elle sera grande, elle ira à la recherche de son arbre préféré… peut-être marchera-t-elle longtemps… qu’importe, elle aura de grandes jambes et un gros pique-nique au cas où…

Lequel choisir ? Elle ne sait pas… pépé lui a raconté une fois l’histoire des frênes et des hêtres très malades… Il en existe encore ? Elle les guérira si elle en trouve, avec de grands pansements et de gros bisous… les bisous ça guérit tout ! Elle ne connait pas tous les noms d’arbres, c’est plus facile d’apprendre les noms de ses copains de crèche… Pépé les connait lui, les noms d’arbres, il est savant, il est vieux, c’est pour ça… Quand il était petit comme elle, avec son pépé à lui, il allait couper un grand sapin blanc dans la forêt qu’il décorait avec toute sa famille, et puis, le Père Noël déposait les cadeaux en dessous ! Que ça devait être joli ! Un sapin blanc… j’aimerais bien en avoir un aussi… j’en prendrais bien soin… je l’arroserais tous les jours et je lui chanterais des chansons pour qu’il ne s’ennuie pas loin de sa maison…

« Dis pépé, on peut aller chercher un sapin blanc pour Noël ? Je vais mettre mes grandes bottes… Faut aller par où pour en trouver un ? Regarde dans ton grand livre stp… ! » Le vieil homme amusé et triste à la fois se lève, prend la petite main de sa petite fille… « Habille-toi Sophie, on va chercher ton sapin blanc ! » « Chouette, c’est loin ? » « Tu verras… »

« Ça sent la neige dehors, remplis tes poumons fillette, cet air-là annonce le manteau blanc qui recouvre la nature et ravive les cœurs… Ça dure pas longtemps, alors respire bien… »

Quelques pas et le grincement de la vieille porte de grange rappellent à l’aïeul qu’il y a belle lurette qu’il n’est pas venu au pays des souvenirs… « C’est pas une forêt ça… C’est un autre pays des fées ? » « Encore mieux… viens, cherchons ton arbre de Noël… » Sophie ne comprend pas, mais elle fait confiance… les adultes savent beaucoup de choses… Que de poussière et de toiles d’araignées… mais elle n’a pas peur, pépé tient sa petite main… Elle avance courageuse dans cette forêt de vieilleries… puis pépé s’arrête… ses yeux gris s’embuent, sa grande main calleuse tremble et soudain, d’une voix qu’elle n’a jamais entendue, il murmure… « Tu vois cette luge, petite ? » « C’est quoi une luge ? » « Une luge, ça glisse sur la neige, mais il y a longtemps qu’elle ne sert plus… Il faut aller très loin pour pouvoir l’utiliser… « Alors moi, j’irai très loin un jour… » « Ça, c’est certain Sophie… »

« Mais, c’est pas un arbre pépé ? » « Oui, c’est un arbre, un bel arbre bien droit, bien solide… majestueux… un sapin blanc ! » La gamine muette regarde son grand-père… il est trop vieux pépé… il ne sait plus ce qu’il dit… « Cette luge, je l’ai fabriquée avec mon père quand j’avais à peu près ton âge… au bout du champ là-bas… tu vois ? Il y avait une petite forêt où j’allais jouer avec mes frères… un jour d’été, un grand feu a détruit la forêt… j’étais triste… tellement triste… ! Le temps a passé » « Combien de dodos ? » « Beaucoup de dodos… et puis un jour, mon papa est rentré à la maison avec un sapin… C’était un sapin, j’ai su tout de suite, car j’ai reconnu son odeur… Il était bien brûlé en apparences, mais mon père savait que son cœur était vivant et qu’il pouvait en faire un jouet solide… qui traverserait le temps…

« Pépé, je peux la garder la luge ? Je vais en prendre bien soin… Je peux lui donner un nom ? Faut la laver avant parce qu’elle est bien sale… et… tu sais pépé… Merci… Je t’aime beaucoup… et un jour, je t’amènerai avec moi aux pays des fées… » « En luge ? » « Oui, pépé, en luge… » « Je t’aime Sophie… » « Gros câlins pépé… »

Misti
Décembre 2019

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