Il était une fois…

… un charmant village historique façonné du dur labeur d’hommes et de femmes désireux de s’établir dans une contrée verdoyante et empreinte de liberté. Durant des décennies, jour après jour, les valeureux érigèrent, pierres après pierres, murs, tours, habitations. Ainsi naquit le bourg en 1289. Que cette province était belle et accueillante ! Malgré épidémies, maints soucis domestiques et guerroyades, il faisait bon y vivre et sa renommée ne tarda pas à franchir les vallons environnants. Paysans, artisans, marchands, laquais, seigneurs et religieux s’y pressaient pour y construire leurs pénates… Malgré mœurs, coutumes et langages différents, chacun trouvait sa place… L’entraide était de mise, un pays était à bâtir !

La cité s’agrandit, le territoire aussi… On grignota les montagnes avoisinantes, on élagua la forêt… Bientôt, des voix s’élevèrent. Le paysan revendiqua plus de terres… Le marchand, plus d’étals… l’aubergiste, plus d’échoppes… le menuisier, plus de bois… l’habitant, plus de calme… Chacun empiétait sur l’acquis du voisin… Rancunes et vengeances entrèrent dans les foyers. La populace grogna, elle devait se doter de règles et de conventions… Un chef devait être alors élu, garant d’autorité et de bienséance… Chacun s’affaira à sa candidature, convaincu d’avoir le meilleur argumentaire. Sur la tribune, le paysan déclama son boniment : « Je suis le plus important, vous avez besoin de mon lait, de ma viande et de mes œufs pour vous nourrir… ». « Non, c’est moi le plus important ! Sans mon bois et mon savoir-faire, point de trottoirs et de toitures !  », s’exclama le menuisier. « Et mes pierres alors, pour vos murs ?  ». « Et mes tissus pour vous vêtir ?  » « Et ma boustifaille pour vous sustenter ?  ». « Je suis le plus instruit », clama l’instituteur. « J’ai des idées et le savoir… Ce sera moi le chef !  ». La place du marché n’était plus que capharnaüm. On s’échinait à revendiquer son importance personnelle…

Illustrations Bastien Nusbaumer

Au loin, le sourd écho réveilla le loup… Toujours à l’affût, le chef de meute se ragaillardit… « Ces humains sont pitoyables… Que leur faut-il pour être heureux ? Incapables de s’écouter, encore moins de s’entendre… Je vais leur montrer moi ce qu’est un chef !  ». C’est à pas feutrés que le loup s’approcha du village, la nuit, il va sans dire… longea les murs, l’œil aguerri… « J’en ferai mon fief… ce hameau le mérite !  ». Il est de notoriété que le loup est sans pitié… L’aube venue, aucun habitant ne fut épargné… De sa prestance, il les fit tous plier… Un par un, ils prêtèrent allégeance à la bête, à quoi bon lutter… Il fut élu chef à l’unanimité…

La bourgade s’agrandit, touchant bientôt l’orée du bois… Le loup ambitieux mit tout le monde à l’ouvrage… Il y eut davantage de paysans, de marchands, de maîtres, d’aubergistes… Certains s’enfuirent dans les bois, nostalgiques d’une vaine sérénité…

L’histoire ne dit pas si le loup vécut longtemps, mais le hameau ne fut plus jamais le même et chacun apprit à ses dépens « qu’on hasarde de perdre en voulant tout gagner » (Jean de La Fontaine).

Misti
juillet 2024

 

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